"Ma vie commença par l’extinction. C’est bizarre mais c’est ainsi.
Dès la première minute où j’ai eu conscience de moi, je sentis que je m’éteignais."
Ivan Goutcharov, Oblomov, 1859
" La mort, quel déshonneur ! Devenir s«oudain objet."
Emil Michel Cioran
" Je me construis un monde où je pourrais mourir en paix."
Tania Mouraud
< oct24
noel varoqui
/ né à Dourd’hal (57500)
/ vit et travaille à Lahaymeix (55260)
Expositions personnelles
2023 on n’est forteresse La Grande Place, musée du cristal Saint-Louis, Fondation d’entreprise Hermès, Saint Louis - mai < oct23
2021 In This Hidden Place Le Préau, ESPE de Lorraine, Nancy - 5avr < 20mai21
In This Hidden Place -les temps passés- Bibliothèques Universitaires de Bar-le-Duc, Épinal, Montigny les Metz et Nancy - 5avr < 20mai21
2019 Temps Morts Ergastule, espace d’art contemporain, Nancy - oct19
2016 régénérescence Galerie VERLAINE / salle Mutelet, Médiathèque Pontiffroy, Metz - jan16
2015 TORPEUR École Nationale Supérieure d’Art et de Design, Nancy - sep < oct15
2014 déploiement Collège Les Avrils, Saint-Mihiel - 11sep < 10oct14
REPLIS secteur de la Ferme de Louvent, Vent des Forêts, Meuse - 12juil < 31aout14
Nächtlich Galerie 4-Vingt, Sarrebruck (De) - 04 < 30mars14
2013 FUNERAL Église des Trinitaires, Metz / Octave Cowbell - 01 < 15déc13
NOCTURNE Octave Cowbell, espace d’art contemporain, Metz - 01 < 21déc13
2012 Théâtre de verdure Galerie Artivia, Bouzonville - 07déc12 < 16fév13
POST MORTEM Castel Coucou, espace d’art contemporain, Forbach - 08juin12 < 30aout12
Expositions collectives
2024 Nébuleux ouverture d’atelier avec en guest Olivia Mathieu- 19 < 20oct23
Chap’Art festival Sotrés & Potailloux, Chaillon - commissaire pour une exposition regroupant 15artistes meusien.ne.s - 29juin24
2023 Dome Sweet Dome ouverture d’atelier avec HECATE SOLARI en guest - 14 < 15oct23
2021 Les arts s’emmêlent Ecurey, Montiers-sur-Saulx - 29juin < 19sep21
2020 Paysage Puzzle, Thionville - 24sep < 7nov20
2019 Le musée nous inspire Musée de la Cour d’Or, Metz - 1mars < 1avr18
2018 6 Week-ends d’Art Contemporain Muséum-aquarium de Nancy , Nancy - 7juil < 12aou18
2017 Dessine moi un mouton Le Mètre Carré, Salon du dessin Pavillon Poirel, Nancy - 30mars < 2avr17
Viaticum, Le Mètre Carré, Gare de Metz et Nancy Metz - 17mars < 16avr
2016 6 Week-ends d’Art Contemporain Musée des Beaux Arts, Nancy - 2juil < 7août16
2014 Lupanar galerie Forma, Lausanne (ch) - 30oct < 23déc14
2012<15 Eclosion d’Art dans les jardins de Raville - week-end du patrimoine
2012 végétal démocratie Musée d’Art et d’Histoire de Toul - 11mai < 30aout12
2010 Une Nuit / Eine Nacht Castel Coucou, Hôtel de la Poste, Forbach - 19juin10
Commande
2019 La Révérence Commune de Pierrefitte sur Aire / Les Nouveaux Commanditaires, Fondation de France / Vent des Forêts
Bourses - prix
2018 ÉMERGENCES Région Grand-Est
2016 Aide à l’Installation d’Atelier DRAC Lorraine
2014 Prix Henri Galilée Académie de Stanislas Nancy
2013 Aide Individuelle à la Création DRAC Lorraine
Résidences
2019 Memento Mori édition d’un multiple Ergastule, espace d’art contemporain - mars < nov19
2014 REPLIS Vent des Forêts, Centre Rural d’Art Contemporain - mai < juil14
2013 F’ART Collège Holderith, Farébersviller / Castel Coucou - avril < juin13
2012 30ans d’Emmaus Emmaüs Forbach / Castel Coucou - 08 < 22déc12
Publication
2024 Hors-série NOVO n°28 - L’art sur les chemins de travers - avec Plan d’Est, Choix nature(l) par Aurélie Vautrin
Interventions (sélection)
2021 conférences Bibliothèques Universitaires de Bar-le-Duc, Épinal, Montigny les Metz et Nancy - juin21
2021 Bus de l’Art Réseau LORA
2015 PLIS Workshop ENSAD, Nancy - oct15
conférence ENSAD, Nancy - 12oct15
conférence FAC d’Arts-Plastiques, Metz - 10fév15
Études
2002<08 Ecole Nationale Supérieure d’Art et de Design, Nancy
Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique, option art
Diplôme National d’Arts Plastiques, option art, avec mention
2005<06 Akademie Der Bildenden Künst de Munich (de) - Atelier de peinture d’Anke Doberauer
mai2012
Qu’il est agréable de se perdre dans les plis.
Motif aux formes non-définies, il se décline à l’infini de par la richesse de ses variations. Constitutif de toutes choses, il est le moyen de figurer le corps. Son aspect charnel met en relief la précarité, le caractère fini inhérent à la condition humaine. Instable, éphémère et délicat, le pli incarne la caducité des choses, le temps qui s’écoule, le corps qui se meurt sans fin.
Dans l’espace pictural, le drapé, le nébuleux, le reflet, le métallique, l’obscur, le végétal donnent du volume à la surface de la toile, une vie.
Tous ces motifs se développent dans un apparent désordre qui structure et déséquilibre la composition. Toujours, ils apparaissent dans leur frontalité au sein d’un espace anonyme, intemporel ; enveloppés dans une lumière à contrejour, un clair-obscur, un contraste entre lavis transparents et pâtés nets écrasants. C’est par de subtiles variations de gris colorés toujours obtenues dans une palette réduite à quelques pigments - terre d’ombre naturelle, outremer, ocre jaune - et du blanc, que les figures isolées, figées ou au contraire révélées, s’expriment dans le fade, et ce, parfois, jusqu’à l’effacement.
Dans ces amas de creux et de bosses, où l’extérieur se confond avec l’intérieur. Le pli exhibe ce que l’on ne voit pas, l’en de sous des choses est dévoilé. L’intériorité du sujet est mis à mal.
Par la représentation d’objets qui me sont proches, se dégage la volonté de rendre visible le banal. Extraits du quotidien, tous sont emprunts d’une certaine simplicité, futilité et gravité. Placés à vue, il me faut toujours me confronter à eux pour les faire passer dans l’espace pictural. Lors de ce travail d’observation, un processus d’identification s’opère.
Aussi, grâce à la diversité des modèles choisis, mes humeurs sont diversement transfigurées sur la toile. Ainsi, les méandres de l’âme, en proie à la mélancolie, se retranscrivent dans les variations du pli.
La peinture, un sacerdoce, qui à travers ma pratique, est devenue une forme d’ascèse.
STILL DEAD
Tout se prête, dans la peinture de Noël Varoqui, aux plis ; qu’il s’agisse de couvertures, de lits, draps, oreillers, vêtements, voire de viandes, de visages ou de chiens, les bourrelets de tissus ou de peau prolifèrent d’une toile à l’autre, emplissant plus ou moins l’espace de la toile, dans des couleurs issues d’une palette ramassée entre le brun, le gris et le blanc.
Ces plis nous apparaissent comme un principe de variations sur l’art de cerner un sujet. Ils figurent comme le cadre autour du sujet, qui finissent par devenir le sujet même de la peinture.
Classique, tel serait l’adjectif qui qualifierait d’emblée les thèmes de la peinture de Varoqui : natures mortes, lits, autoportraits, animaux. Mais chaque fois, ces thèmes viennent jouer avec la mort. Loin des personnages « absorbés » dans les tableaux de sommeil chers à Michael Fried, les dormeurs de Noël Varoqui évoquent des gisants. Les sièges de ses tableaux sont vides, recouverts d’un drap qui fait figure de linceul. Quant aux animaux, s’ils ne sont pas écrasés au bord d’une route, ils trônent comme un trophée empaillé sur un lit débordant de plis ou comme autant de faces sanglantes débitées en morceaux de boucherie. La langue anglaise voit encore l’affleurement de la vie dans la Still Life, là où la langue française, au contraire, regrette que la nature soit soustraite à son cadre organique dans ce qu’elle nomme « nature morte ». Il semble que Varoqui aime exécuter ses sujets par deux fois en choisissant de les peindre morts ou mal en point. Il exécute une peinture à partir d’un sujet déjà exécuté. Même lorsque le corps est présent, dans la série des dormeurs par exemple, il demeure introuvable sous les amas de draps et d’oreillers. Le corps est encore absent du grand tableau de ce fauteuil recouvert d’un drap (Nous n’userons plus, 2010), alors même que nous voyons un bras par transparence et un pied. Dans une série plus expérimentale, l’envers du corps nous est donné à sentir dans ces toiles où le peintre cherche la forme de son crâne sous sa peau tout en peignant. Cette pensée de la forme absente, de la trace et de la difficulté à faire passer dans le visuel ce qui se touche, n’est-elle pas à l’origine de la peinture ? La fille du potier Butadès de Sicyone détoure sur un mur l’ombre de son fiancé avant qu’il ne reparte à la guerre ; en traçant un cerne dans la nuit pour retenir la forme de son corps présent, elle inscrit à jamais l’idée que la peinture n’avait de thème qu’en creux, toujours prêt à vider les lieux et à exhiber l’absence.
Pour rendre tangible pareille absence, l’on peut user de la déploration, mais ce n’est pas la voie retenue par Varoqui. Il affleure dans toutes ses peintures un certain humour, noir ou d’écolier, qui s’exprime dans les défigurations occasionnées par les plis et dans certains autoportraits. La masse de tissus bourrelés qui se retrouve sur les traits de l’artiste ne ménage en rien une belle image du moi. Affublé d’un bonnet d’âne, d’un collier anti-démangeaison ou d’un cocard déformant, le peintre témoigne des méandres de sa pensée, des difficultés à étaler un sujet dans une histoire jusqu’au plaisir à faire déborder son sujet par des plis envahissants. La très grande sincérité qui se dégage du travail de Noël Varoqui tient peut-être à la position d’équilibriste qu’il occupe si fragilement entre humour et gravité, face à la puissante présence de la mort.
Céline Flécheux
Agrégée et docteur en philosophie,
Maître de conférences en esthétique
à l’Université Paris VII - Denis Diderot
Sep11